Les chiites, la minorité oubliée en Arabie Saoudite

Par: Kamran Karami

La participation des chiites d'Arabie Saoudite dans la société sunnite de ce pays, est beaucoup moins importante que celle des chiites dans les autres payas arabes. Les chiites saoudites sont largement privés de leurs droits. Ils souffrent des discriminations légales comme celles en pratique; Ils sont presque interdits de suivre leurs rituels religieux et comme une communauté minoritaire, se trouvent loin de toute influence politique importante au sein des instances du pouvoir. "

Graham Fuller, spécialiste des religions et analyste des questions du Moyen-Orient, a bien souligné ces dernières années en ces termes, la situation des chiites en Arabie Saoudite dans un article intitulé "Les chiites arabes, les musulmans oublies".

Depuis, la situation des chiites saoudites n'a pas évolué: Un regard sociologique sur la structure de la politique intérieure d'Arabie Saoudite démontre que ce pays comme la plupart des pays arabes souffre du manque de la légitimité politique pour renforcer sa stabilité politique. Le régime politique de ce pays est classifié parmi les régimes autoritaires basés sur la hiérarchie tribale selon Bahjat Kourani, spécialiste du Monde arabe. Ces régimes sont souvent dépourvus de la participation de leurs peuples. Une vue sommaire sur la situation des chiites en Arabie Saoudite, où il demeure la plus importante population chiite après celle en Irak parmi les pays arabes, en nombre, démontre bien que l'analyse de Kourani y est confirmée. Selon les sources différentes, les chiites constituent entre 10 à 15% de la population, environ 2 millions. Ce sont les chiites duodécimains dont la plupart vivent dans la région Sharghieh, une région riche de pétrole où les plus importantes infrastructures d'hydrocarbures sont implantées.

Compte tenu des diverses discriminations subies par les chiites saoudites, ils sont dépourvus de leurs droits initiaux et ne peuvent pas accéder aux moindres postes clés dans l'establishment politique du pays. D'où les manifestations antigouvernementales récurrentes dans l'est d'Arabie Saoudite y compris dans la province pétrolière d'Alqatif peuplée d'une majorité chiite.

En effet, le sectisme est un phénomène courant en Arabie Saoudite et la discrimination anti-chiite se manifeste dans ce pays sous différentes formes. Historiquement, le régime royal a une grande responsabilité dans ce domaine. Ceci-disant, le sectisme en d'Arabie Saoudite est le produit de l'alliance de régime royal avec le mouvement wahhabite sur laquelle l'Etat saoudite est fondé. La discrimination anti-chiite remonte au temps de la création de l'Etat saoudite en 1932 où la politique d'isolement et de la répression des chiites a pris une couleur étatique et est devenue en certaine mesure la politique officielle de l'Etat.

A nos jours, les événements comme la révolution islamique d'Iran et les récentes évolutions en Irak, qui ont contribué à une augmentation de la force des chiites irakiens aux dépens de la dominance historique des sunnites dans ce pays, ont engendré l'inquiétude de la contagion du mouvement chiite en Arabie Saoudite. Il est vrai que Riyad est inquiet du renforcement du rôle et de l'influence d'Iran dans la région en particulier dans les pays comme l'Irak, Liban, Afghanistan et Palestine. Les dirigeants de Riyad qui sont soucieux pour leur rôle dans le monde arabo-islamique, ne tolèrent pas le renforcement des chiites dans les pays de la région, et c'est pourquoi ils se sont permis d'ingérence militaire en Bahreïn, pays d'ailleurs à une majorité écrasante chiite, pour mater le soulèvement populaire. Les chiites d' d'Arabie Saoudite, partagés entre les moins et les plus modérés, cherchent aujourd'hui le rétablissement de leur droit par quarte stratégies:

- Isolement: Selon cette stratégie, les chiites cherches à ne pas confronter l'Etat, tout en préservant leur mode de vie communautaire, leur culture religieuse, les formes d'entraides, et en s'appuyant sur les aides étrangères pour survie.

- Contestation active: Cette stratégie est basée sur une lutte armée, mais tout le monde affirme que les chiites ne sont pas suffisamment armés et entrainés pour marcher dans ce sens.

- Contestation pacifique: Cette stratégie demeure sur une sensibilisation médiatique sérieuse avec la collaboration des autres éléments d'opposition comme les forces à tendance séculaire et libérale de la société saoudienne qui se trouvent plutôt en exil.

- Collaboration et coexistence: C'est la stratégie suivie actuellement pas le mouvement réformiste confirmée par la plupart des chiites y compris Chiekh Hassan Alsafar, l'un des leaders chiites saoudites. Selon cette stratégie, les chiites essayent d'exploiter les moindres opportunités de changement par la voie de dialogue. Le défi de cette coexistence avec l'Etat, est sans doute les connivences wahhabites de celui-ci qui empêche d'appliquer toute démarche de bonne foi dans ce sens. Il semble que les chiites saoudites ont encore un long chemin à faire pour accéder à leur droit, à commencer par le fait de manifester librement leur identité religieuse.