La France soutient Al-Qaïda en Syrie et l’affronte en Afrique | ||
La France soutient Al-Qaïda en Syrie et l’affronte en Afrique La France fait preuve d’une affligeante incohérence dans sa politique étrangère, qui a de graves conséquences sur la stabilité régionale et fait peser de sérieuses menaces sur la sécurité de l’Europe. Devant le désengagement des Etats-Unis, qui veulent clore les chapitres peu glorieux des guerres d’Irak et d’Afghanistan, et ne souhaitent plus se lancer dans de nouvelles aventures militaires, la France a décidé de prendre le relais. Au delà du fait de savoir si la France a réellement les moyens de ses nouvelles ambitions impérialistes, son interventionnisme militaire se heurte d’emblée à d’inexplicables incohérences. Au Mali et en Somalie, l’armée française se bat contre des mouvements se déclarant ouvertement proches d’Al-Qaïda, alors qu’en Syrie, la diplomatie française est l’allié objectif de cette organisation, considérée comme terroriste par tous les pays occidentaux. C’est d’ailleurs la politique de l’Occident, Etats-Unis et France en tête, qui a créé les conditions favorables à l’émergence d’Al-Qaïda, en Syrie. Cette organisation se développe et prospère grâce du chaos, provoqué par l’affaiblissement du pouvoir central, comme au Yémen, en Somalie et au Mali, où les gouvernements sont réduits à leur plus simple expression. La Syrie, elle, disposait d’un Etat fort, organisé, qui refusait de partager la souveraineté nationale avec des pays étrangers et encore moins avec des acteurs non-étatiques. Depuis presque deux ans, le principal résultat de l’insurrection armée en Syrie, aura été d’affaiblir l’Etat et d’éroder le pouvoir central, grâce au soutien politique, médiatique, financier et militaire, fourni directement par les pays occidentaux, ou par les pétromonarchies du Golfe, qui jouent depuis toujours le rôle de sous-traiteurs pour le compte de l’Occident. Le déni de l’Occident Après avoir nié pendant des mois l’existence d’une composante armée au sein de l’opposition syrienne, la France a fini par reconnaitre cette réalité, en essayant, à travers ses médias, de faire croire que ces rebelles sont en majorité des officiers et des soldats syriens déserteurs. Et après avoir fait la sourde oreille aux mises en garde sur la présence d’extrémistes d’Al-Qaïda sur le terrain, les autorités françaises reconnaissent ce fait, depuis quelques semaines seulement, tout en essayant d’en minimiser l’importance et l’influence. Pourtant, les voix se multiplient en France et dans d’autres pays occidentaux depuis longtemps pour mettre en garde contre cette dérive. Dès le 15 février 2012, Armin Arefi publiait dans la très sérieuse revue Le point un article intitulé «Al-Qaïda s’empare de la révolution syrienne». L’auteur s’interroge si le président syrien Bachar el-Assad n’avait pas «vu juste, répétant à l’envi que les manifestants ne sont que des groupes terroristes armés». Armin Arefi ajoute que le chef de l’Etat syrien avait «été conforté par le chef du renseignement américain, James Clapper, qui a assuré que les attentats de Damas des 23 décembre (2011) et 6 janvier (2012) ainsi que le double attentat à la voiture piégée le 10 février (2012) contre le siège des renseignements militaires et le QG des forces de sécurité «ont la caractéristique des attentats commis par Al-Qaïda». L’article rappelle que quelques jours plus tôt, le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, apportait dans une vidéo intitulée «En avant, les lions de Syrie» son soutien à la contestation à Damas, exhortant «les musulmans de Turquie, de Jordanie et du Liban à soutenir la rébellion et à renverser le régime actuel». Depuis, les mises en gardes sur l’influence des extrémistes en Syrie par des spécialistes du Proche-Orient, en France et ailleurs en Occident, se sont multipliées. Le 10 janvier dernier, Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon 2 et directeur du Groupe de Recherche et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, affirme au site Atlantico que les combattants extrémistes, «armés et financés par les pétromonarchies du Golfe, s’imposent au sein de l’opposition armée, marginalisant les éléments laïcs de l’Armée syrienne libre». Désormais, dans certains quartiers d’Alep, les extrémistes «interdisent aux femmes de conduire une voiture. Les arrestations et exécutions arbitraires par les rebelles achèvent de les faire ressembler aux Chabiha (para-militaires) du régime», ajoute le spécialiste. Fabrice Balanche observe «la montée en puissance de groupes tels que le Front al-Nosra, émanation d’Al-Qaïda». Des extrémistes depuis le début Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE (de 2000 à 2002) va plus loin. Dans un entretien au même site, le 2 décembre 2012, l’ancien officier accuse les rebelles syriens de «commencer une opération d’épuration massive, ciblant notamment des journalistes et des comédiens qui divergent de leurs lignes politiques». Il s’interroge s’il est «moral de continuer à aider la rébellion alors que son caractère démocratique est en train de totalement disparaître?». Selon lui, depuis le début de la révolte syrienne, les experts de terrain n’ont cessé de dénoncer le fait que la rébellion armée était essentiellement conduite par des groupes extrémistes «d’abord locaux et de plus en plus souvent importés d’autres zones». Et Alain Chouet de poursuivre: «Ces groupes, au nombre d’une quinzaine au moins, sont désignés improprement par les médias occidentaux sous le nom d’ASL (Armée syrienne libre). En majorité soutenus par le parti islamiste au pouvoir en Turquie et par les monarchies wahhabites du Golfe, ils se veulent en fait autonomes et indépendants des différents courants politiques syriens. Ils ne reconnaissent l’autorité ni du Conseil national syrien (CNS) ni de la Coalition nationale récemment constituée au Qatar et reconnue par la France comme «seul représentant légitime du peuple syrien». Ces groupes armés ont publiquement affirmé leur intention de transformer la Syrie en «Emirat», et de vider le pays des «infidèles» et des non arabes: chrétiens, druzes, kurdes, alaouites, ismaéliens, chiites, etc.». En dépit de ces analyses, confirmées sur le terrain par les informations selon lesquelles le Front al-Nosra et le groupe Ansar al-Islam, se proclamant de l’idéologie d’Al-Qaïda, sont désormais aux premières lignes dans les combats, la France n’a pas modifié d’un iota sa politique syrienne. L’»aide non-militaire», qui consiste en des équipements de communication sophistiqués, continue d’affluer officiellement aux rebelles. Sur un plan non-officiel, c’est un armement allant du fusil mitrailleur aux missiles Milan, qui est livré aux groupes armés via divers canaux. Pourtant, une grande partie de cet arsenal atterrit entre les mains des extrémistes d’Al-Qaïda. Et les services de renseignement français le savent pertinemment. Sur le plan politique, la France continue d’encourager l’opposition syrienne à refuser tout les appels au dialogue lancés par le président Bachar el-Assad. De la sorte, Paris est responsable du blocage de toute solution politique, ce qui prolonge le conflit au risque d’affaiblir l’Etat syrien et ses institutions. Or la meilleure recette pour favoriser l’émergence d’Al-Qaïda et d’accélérer son implantation, c’est justement d’affaiblir le pouvoir central. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. | ||
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