Tanger, dynamisme industriel et misère aux portes de l’Europe | ||
Tanger, dynamisme industriel et misère aux portes de l’Europe Résolument ouverte à l’Europe dont elle est séparée par 15 km de mer seulement, Tanger, ville mythique, est aujourd’hui une ruche industrielle qui lorgne vers les investisseurs européens. Mais, sous le voile, la misère est palpable. La proximité de l’Europe et les nouvelles infrastructures mises en place au cours de dernières années sont les atouts sur lesquels le Maroc parie pour attirer les investissements générateurs d’emplois. «Tanger jouit d’un avantage important à savoir un accès très facile aux deux mers: Atlantique et Méditerranée», selon Khalid El Amrani, directeur d’un groupe d’entreprises installées dans la Zone Franche d’Exportation de Tanger, plus connue sous le nom de TFZ (Tanger Free Zone). «Dernièrement avec l’infrastructure qui s’est améliorée, il y a eu beaucoup de demandes pour la ville. Et surtout pour les emplacements dans le TFZ», précise-t-il. Nouvelle vitrine du Maroc de demain, et dominée par l’usine Renault inaugurée jeudi par le roi Mohammed VI et le patron de la marque Carlos Ghosn, TFZ accueille 500 entreprises sur 500 hectares. Cette zone a été créée en 1999, l’année où le roi est arrivé au pouvoir. Sous ses allures ultra-modernes, l’usine d’assemblage «zéro CO2» qui ambitionne de produire aux portes de l’Europe des voitures «low-cost» (à bas coût) sera à une demi heure du nouveau port de Tanger Med, à un saut des côtes espagnoles. Dans un premier temps, entre 150.000 et 170.000 véhicules y seront produits avant de monter progressivement à 340.000 en 2013. Toutefois, les tensions sociales, la cherté de la vie --rançon du succès industriel de la capitale du nord --et l’envie d’un ailleurs fantasmé restent vivaces. Assis en tailleur près d’un arbre à quelques mètres d’un feu rouge à l’entrée de la ville, quelques enfants attendent le passage des gros véhicules se dirigeant vers l’Europe pour s’y accrocher. Objectif, traverser la Méditerranée et atteindre au moins l’Espagne où la législation interdit l’expulsion des mineurs. «Il n’y a rien ici. Pas d’avenir, pas de travail, rien. Je veux traverser comme beaucoup de mes amis du quartier», explique à l’AFP l’un d’eux, tout juste âgé Tanger jouit d’un avantage important à savoir un accès très facile aux deux mers: Atlantique et Méditerranée. de 10 ans.
A coup d’investissements immobiliers et de spéculations --et l’espoir de trouver du travail --l’urbanisation, souvent anarchique de Tanger a attiré un exode massif des villes du royaume vers ce nouvel eldorado. Grosse bourgade de 150.000 habitants, pour moitié des étrangers, au début des années 60, la ville a grossi ces dernières années, passant de670.000âmes en 2004 à 760.000 actuellement. Main d’oeuvre peu qualifiée, et rêve d’un ailleurs «La spéculation immobilière a généré une situation difficilement contrôlable. Résultat, une surpopulation qui vit au rythme des fantasmes que suscitent la proximité de l’Europe», affirme à l’AFP Samir Abdelmoula, ancien maire de Tanger et jeune patron d’une entreprise de transport maritime. «Avec Tanger Med, la vocation industrielle de la ville, a renforcé la prolifération d’une main d’oeuvre peu qualifiée», ajoute M. Abdelmoula. Aussi, le chômage des jeunes et la précarité sont-ils omniprésents dans les quartiers pauvres, comme le célèbre bidonville Beni Makada. Là des milliers de jeunes du Mouvement contestataire du 20 février, né dans le sillage du printemps arabe, manifestent chaque dimanche. «La main d’oeuvre qualifiée est toujours très demandée à Tanger. Il faut investir sur l’enseignement et la formation pour faire face au chômage et s’adapter aux demandes du marché», selon M. El Amrani. Loin des immeubles flambant neufs qui poussent comme des champignons, les vieux quartiers peinent à préserver ce qui fait le mythe de Tanger, une ville cosmopolite où grands personnages et artistes venaient puiser l’inspiration ou se prélasser. Les vieilles maisons dont l’architecture espagnole rappelle la période coloniale sont menacées de disparition face à l’urbanisation galopante. Des voix s’élèvent pour tirer la sonnette d’alarme et appeler à la préservation de la ville. «Le Tanger canaille, le Tanger de la zone internationale, il reste plein de choses, et il ne reste rien», regrette Yto Berrada, fondatrice de la cinémathèque de Tanger, édifice plein du charme d’antan qui trône sur la place du Socco, à l’entrée de la vieille médina. «Il reste une littérature, une légende, des films, du patrimoine immobilier qui est important, et puis il y a un mythe qui est très tenace», ajoute Mme Berrada.
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