Ankara regarde vers l’Orient, mais cherche ses intérêts en Occident | ||
Ankara regarde vers l’Orient, mais cherche ses intérêts en Occident Le modèle pragmatiste de la politique étrangère turque Par : Siamak Kakaï Les tensions dans les relations turco-israéliennes remontent à plusieurs années, c’est-à-dire au second mandat gouvernemental du parti Justice et développement, AKP. A partir de 2007 nous avons constaté une augmentation des tensions entre Israël et la Turquie. Ces tensions sont apparues pour la première fois après l’attaque contre Gaza et les acerbes critiques des responsables turcs en 2008 contre Israël. Erdogan, premier ministre turc, a même employé le terme de terrorisme d’État contre Israël, ce que ce dernier n’a pas trouvé naturellement à son goût. Dans une seconde phase, la tension monta encore après l’altercation verbale entre Recep Tayyip Erdogan et Shimon Pérès à Davos en 2009, altercation que les médias ont, depuis, repris souvent et qui portait sur les critiques d’Erdogan contre Israël à propos de l’attaque de Gaza. Ainsi dans les années suivantes cette attitude critique de la Turquie envers les actions israéliennes contre les Palestiniens et Gaza s’est-elle poursuivit en prenant de l’ampleur. Erdogan et ses partisans ont voulu donner de la Turquie, dans les questions du Moyen-Orient, une image de soutien aux droits du peuple palestinien et des habitants de Gaza, ce qui apporta à la Turquie une influence croissante parmi les peuples de la région et nous avons même vu les habitants du Liban et de la Palestine agiter des drapeaux turcs. Mais la tension a atteint vraiment son point critique lorsque la Turquie participa dans le cadre de sa politique de pointe concernant les questions de Gaza, à l’envoi d’un bateau d’aides humanitaires. Ce bateau s’appelait Marmara bleue et s’est rendu il y a quinze mois dans les eaux de Gaza. Le bateau fut investi avec violence par les commandos israéliens qui tuèrent neuf citoyens turcs. Avec cet incident la tension entre la Turquie et Israël a atteint son plus haut point. Cet incident entraina une troisième victoire du parti AKP aux élections législatives. Les exigences des autorités d’Ankara portaient sérieusement sur trois points : -Qu’Israël s’excuse officiellement d’avoir attaqué le bateau Marmara bleue, - Indemnisation des familles des victimes de ce bateau et des dégâts, - Fin de l’encerclement de Gaza. De ces trois exigences présenter des excuses et la fin de l’encerclement de Gaza n’étaient pas faciles pour les Israéliens. Cependant les autorités turques ont agi de façon assez ambiguë et même avec une certaine modération envers Israël. Or, selon les médias, la riposte de la Turquie n’était pas celle attendue par la population. En d’autres termes, il n’y eut aucune mesure dans la pratique. Ni rappel d’ambassadeur, ni rupture de relations. Nous avons vu ces derniers mois la Turquie insister sur ses exigences. Jusqu’à ce que l’ONU présente un rapport sur la crise du Marmara bleue, rapport qui fut comme un seau d’eau glacée sur les attentes de la Turquie. Le rapport ne mentionnait que la confrontation violente des commandos israéliens avec le bateau Marmara bleue, sans le condamner pour autant et en le présentant comme une mesure légale. Il était donc fort difficile pour la Turquie de décider dans ces conditions et l’expulsion de l’ambassadeur d’Israël devenait inévitable. La Turquie avait préparé sa propagande mais le rapport de l’ONU avait fait tourner le vent en faveur d’Israël. La décision d’expulsion avait été causée par les facteurs suivants : - La Turquie avait créé à l’intérieur l’attente qu’elle ne reviendrait pas sur ses droits. Finalement elle ne pouvait modifier ce processus. - La Turquie devait montrer d’une certaine façon qu’elle menait une politique indépendante et séparée des pressions américaines et israéliennes. Aussi tout mouvement sur l’échiquier était-il accompagné d’un choc médiatique et déclenchait une réaction après quinze mois d’attente. -La Turquie a présenté une nouvelle définition d’elle-même au Moyen-Orient durant les trois ou quatre dernières années, celle d’un pays pugnace et que les politiciens du parti AKP appellent maintenant un pays conducteur. En réalité ce rapport était une étincelle qui mettait le feu à la poudre des relations turco-israéliennes. En tenant compte de ces données deux probabilités sont envisageables : -Première probabilité : Poursuite du statu quo pendant une période donnée en vue de relativiser l’importance de l’affaire et sortir de la crise. Dans le sens opposé, si dans cette situation l’une des deux parties entreprenait une action déplaisant à l’autre, le résultat pourrait mener à la réduction accrue des relations réciproques et finalement vers la rupture. Les partisans de cette théorie estiment que le refus acharné des Israéliens et l’insistance de la Turquie sur ses exigences augmenteront la confrontation. -Seconde probabilité : Si les tensions et la crise diplomatique restaient inchangées, certaines parties pourraient entrer en jeu pour rapprocher les positions présentement hostiles des deux acteurs. Peut-être ce serait l’Amérique qui aurait l’intention de jouer les médiateurs pour essayer de rapprocher les deux pays, d’une part, parce que l’Amérique est le protecteur acharné d ’Israël et de l’autre, la Turquie est son alliée. Il n’est donc pas acceptable pour la politique américaine que ses deux alliés se confrontent et que leurs problèmes ne soient pas résolus. Aussi cherchera-t-on à faire sortir les deux parties de la crise, bien que cela ne soit pas facile.
La politique turque et le déploiement d’un bouclier anti-missile
Les premiers pourparlers sur un bouclier anti-missiles concernaient un déploiement en Europe de l’est, ce qui avait déclenché les critiques de la Russie, bien que l’Amérique estimait nécessaire son déploiement. Des négociations aussi ont eu lieu, parce que la Turquie est membre de l’OTAN. Le déploiement de ce bouclier fait partie de la stratégie de l’OTAN, dont une partie s’oppose aux intérêts de la Russie dans la région. Ce qui montre que : -La Turquie, en tant que membre de l’OTAN, définit ses stratégies de sécurité nationale et militaire dans le cadre de l’OTAN. - Que la Turquie dans ses pourparlers politiques et militaires avec les grandes puissances agit selon ses propres intérêts et non selon les considérations des pays limitrophes, - Que la Turquie malgré sa nouvelle politique étrangère de regarder vers l’Orient, définit ses intérêts à long terme selon les données occidentales. Les évènements en Syrie sont dus à une interférence étrangère, du même type que les révolutions colorés d’Europe de l’Est. Sous couvert de révolution on paye des groupes armés venus du Liban, de Turquie, de Jordanie pour semer le chaos et le désordre. Les violences de ces armées de mercenaires de salafistes ont fait quelques 200 morts parmi les forces de polices du pays et prennent à la population syrienne en otage. Derrière ces groupes extrémistes, qui tirent sur la population et entraînés par les services secrets occidentaux, il y a l’aide financière et matérielle des hérétiques monarchies du golfe Persique, avec à leur tête l’Arabie saoudite. Plus étonnant est le rôle de la Turquie dans cette affaire, qui nous avait habitué, ces dernières années à soutenir le camp de la résistance surtout depuis l’attaque de la flottille en 2010. Elle adopte la version occidentale des faits et ignore celle des Syriens, mettant en scène des groupes armés qui sévissent. En vérité la Turquie à peur des Etats-unies et obéit à la loi du plus fort. Ce qui est significatif ; la force prime le droit et la peur est la motivation principale. Le ministre Turc Davutoglu lors de sa visite en Syrie était porteur d’un message américain après son entretien avec la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, laquelle lui a signifié que sa visite serait une bonne occasion, pour adresser un message sévère à Assad. Ainsi à Bruxelles (centre de commandement de l'OTAN), on demande à Ankara d'organiser une campagne, pour enrôler des milliers de volontaires, dans les pays du Moyen-Orient, afin de combattre, auprès de rebelles syriens. L’armée turque logera ces volontaires, les entraînera et assurera leur passage, en Syrie. Ainsi cette sont apparus ces "moudjahidines" appelés «combattants de la liberté salafistes». En conclusion la Turquie s’efforce de mener une politique à plusieurs volets avec ses alliés occidentaux et les pays du Moyen-Orient ; en ce qui concerne Israël elle essaie de prolonger le statu quo et attend le feu vert d’Israël. Enfin la Turquie fait preuve dans sa politique de déploiement de bouclier anti-missile et de l’expulsion de l’ambassadeur d’Israël, d’un certain pragmatisme. | ||
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