Message du roi Abdallah à la Syrie ou avertissement à l’Iran?

La violente déclaration du Roi Abdallah, d’Arabie saoudite contre la Syrie montre que la plus haute autorité  saoudienne a pris en mains la direction du courant d’opposition en Syrie  et qu’en vérité un changement de stratégie dans les évolutions de la région est sur le point d’intervenir. L’Arabie saoudite qui avait gardé le silence jusqu’à présent sur toutes les évolutions de la région, depuis  la guerre révolutionnaire en Libye, jusqu’aux évolutions pacifiques et relativement  pacifiques d’Égypte  et de Tunisie, se dresse haut et fort face à la Syrie, l’un des pays importants et  charnière  du monde arabe et du Moyen-Orient. De nombreux analystes estiment que cette mesure, en convergence avec les  mouvements occidentaux,  est destinée à affaiblir et même à renverser le régime syrien et avec la radicalisation   de plus en plus étonnante  de la Turquie vis-à-vis de la Syrie, cette politique  viserait des objectifs  bien au-delà de la Syrie. Ils estiment que leur ultime objectif serait non seulement la Syrie, mais comprendrait les alliés de  Damas, à savoir l’Iran. Elle entrerait ainsi en confrontation  indirect avec  l’Iran.

Selon l’agence de presse Reuters les récentes positions de l’Arabie   face à la Syrie indiquent que Riyad a dépassé actuellement la phase de l’inertie diplomatique par rapport à de la Syrie et voudrait entrer, dans une phase plus dure face à ce pays. Selon certains experts, ces positions ont un relent de sectarisme. Le roi Abdallah se dresse non seulement devant le régime syrien mais en réalité contre les chiites  Alaouites de ce pays qui  sont en réalité minoritaires, mais du point de vue  répartition du pouvoir, le détiennent  totalement.

M.Rami Khoury, analyste du Moyen –Orient à Beyrouth dit à ce propos: «Les Saoudites savent que le régime syrien  connait actuellement un dangereux soulèvement qui pourrait s’étendre à tout le pays.  Mais il est étonnant de voir que  l’Arabie rappelle son ambassadeur de Damas et adopte une telle position  à son égard, alors qu’il ne tolère aucune opposition à l’intérieur de son propre pays et aide même le gouvernement de Bahreïn à réprimer durement les chiites et soutient fermement cette cruelle répression».

Les analystes considèrent  cette question sous un autre angle. Ils estiment  que les Saoudiens  ont cru que  la Syrie se trouvait maintenant dans une situation de crise et qu’étant donné, elle était l’allié stratégique et  incontesté de l’Iran, ils pourraient ainsi ébranler l’Iran. Pour atteindre cet objectif, il ne leur importait pas que la Syrie s’enfonce dans les troubles, même si elle représente le cœur de l’Umma musulmane.

M. Khoury dit à ce propos: «Si les Saoudiens pensent ainsi, je dois dire que cela est parfaitement erroné, car il est très difficile  de porter un coup à l’Iran et installer au pouvoir un nouveau régime démocratique en Syrie. On ne peut renverser aussi simplement  M. Assad et  le remplacer un  nouveau gouvernement».

Jamal  Khashoqgi, un analyste saoudien  dit également  à ce propos: «Le roi Abdallah, par cette décision veut  préparer la voie à une  prise de décision des Occidentaux  et de l’étranger concernant la Syrie; tout en  mettant en garde contre tout éclatement  de la  Syrie. Il est vrai que c’est  là une politique ambiguë, mais Abdallah est décidé   d’exercer davantage de pressions sur Assad  par cette politique afin  d’empêcher l’effondrement de la Syrie. Par ailleurs l’Arabie veut par ce biais obliger l’Iran à faire marche arrière. Or l’Arabie  est obligée actuellement de dépenser fortement dans la région  notamment à Bahreïn , bien que cette somme n’est guère visible , elle met à mal le gouvernement d’Arabie saoudite, qui se trouve excédé par cette situation.».

Il a de même estimé que les déclarations  du roi d’Arabie auraient des effets négatifs sur la Syrie: «Les déclarations du roi  aggraveront certainement l’actuelle situation en Syrie et renforceront  l’éventualité d’une intervention  étrangère dans les affaires intérieures de ce pays».

 Gregory Gausse, professeur des sciences politiques à l’université du Vermont dit pour sa part à ce sujet: «Je crois que les déclarations du roi Abdallah en particulier pendant le béni mois de Ramadan ne sont  pas fortuites, mais ont été préparées et sont parfaitement intentionnelles. Je crois que le relent du sectarisme  est parfaitement  discernable dans  les déclarations du roi. Sinon pourquoi  devant les évolutions  dans tous ces pays arabes, il aurait  observé un silence total, et pourquoi entrerait-il en scène aussi soudainement  à propos de la Syrie et se confronterait-il Bachar el-Assad? N’est-il pas vrai  que les Alaouites détiennent le pouvoir  en Syrie et comme ils sont aux prises avec des problèmes intérieurs et des manifestations, il a trouvé l’occasion propice pour porter un coup au  régime? Si le roi Abdallah était tellement inquiet du massacre du peuple syrien, pourquoi  ne dit-il rien sur  le massacre des protestataires  à  Bahreïn et en Libye? ».

 Il estime qu’il vise ainsi l’affaiblissement de l’Iran, soutien des chiites et dit: «Sans aucun doute l’Arabie saoudite  pourrait utiliser l’atout de la majorité sunnite contre la minorité chiite et faire indirectement pression sur l’Iran. Les Saoudites parlent impunément  de la question chiite et sunnite et disent que l’occasion est bonne pour ramener la Syrie dans  le giron des Arabes sunnites afin d’affaiblir  le front pro-iranien.»

M. Gausse doute également de la nature des opposants dans la situation actuelle et dit: «Une ambiance djihadiste salafiste assombrit les manifestations populaires et actuellement ce sont les extrémistes wahhabites armés  qui dirigent les manifestations et veulent dominer leur mouvement. Sans aucun doute les déclarations du roi sont destinées à renforcer ce courant. J’estime que les Saoudites, en  manipulant le courant salafiste, s’efforcent de gérer la situation en Syrie. Ils   prétendent représenter la majorité  musulmane sunnite et veulent assoir leur autorité».